Suisse | Haute-savoie

Soyons fou

Le weekend est annoncé encore une fois, alors que la semaine a été belle. Le vendredi est annoncé grand beau et je montre courageux … et prends congé. Je décrète que ce sera ma dernière randonnée en ski de la saison 2015-2016, autant en finir en beauté. Il y a une randonnée que j’avais effectuée au Buet (Mont Buet selon Swisstopo) depuis Sixt-Fer-à-Cheval en août 2010, une de mes plus grosses randonnées, hors alpinisme. Un grand souvenir et l’envie de revenir en ski.

Encore un matin

Comme il faut se lever, j’aime bien venir la veille, bivouaquer sur place, plutôt que se lever en pleine nuit, voyager et être à moitié endormi le reste de la journée. Je jette ma tente sur le parking et file dans mon sac de couchage douillet, +4°c il fait presque chaud. Au petit matin, 5h15, -5°c, ça ne rigole plus. Dur, très dur de sortir. Je crois que je me suis rendormi. L’intérieur de la tente est givré. Je me change et ça caille bien. Je n’ai pas le courage de me faire un café et file faire un tour en voiture, chauffage à fond. Je déjeune dedans. La vie est dure et injuste, je sais. Ca n’est qu’à 7h que j’arrive à partir

La Poya

Nous sommes au printemps et la neige a fondu. Je traverse donc le champ sous le hameau de La Poya à pied. Les crocus sont déjà sortis. Après La Poya, le chemin se met à monter et je finis par mettre les skis sur le sac et monte le long du sentier pédestre. Ca n’est qu’en arrivant au niveau de la buvette de la cascade à Bérard, devant la Grotte à Farinet, que je peux mettre les skis et encore avec des passages à l’arrache sur le sol dénudé ou en déchaussant. Il y a un passage le long de la rivière Eau de Bérard, un pontet qui demande de l’attention car la neige a fondu.

Rive gauche

Au niveau de La Vordette, Pt1528, il y a un petit pont et je choisis de filer rive gauche (à droite), histoire de varier les plaisirs. La descente se fera rive droite. La rive gauche est le chemin d’été, moins skiable car parmi la forêt et quelques vernes. J’ai eu le droit à plusieurs déchaussages, mes skis sont passe-partout, les peaux encaissent bien des sols délicats déneigés, mais les cailloux, il faut se résoudre à déchausser. Dure la vie ! Je rejoins la voie normale au niveau du Pt1742 (Pt1740 sur Swisstopo).

Refuge de la Pierre à Bérard

Je poursuis dans ce vallon, c’est tout droit, mais longuet. La vue s’ouvre, on arrive dans un coude du vallon. La carte mentionne un refuge, celui de la Pierre à Bérard. Je vois des gros blocs de pierre, mais point de refuge. Je commence à croiser du monde et je babille avec chacun. Nous sommes tous là en ayant pris congé ! On bifurque à droite de la Combe de Bérard, direction l’Aiguille du Salenton. Le terrain devient plus pentu et les conversions s’enchainent.

Col de Salenton

La montée se poursuit, c’est le grand ciel bleu. J’ai une brève pensée pour mes collègues, restés au bureau. Je vous rassure, cela fut fugace ! Au col de Salenton, mon estomac me rappelle aux vicissitudes de la vie. Pause casse-croute. Je repars, mais avec moins d’entrain. Il fait un peu chaud et mon rythme baisse.

Arête de la Mortine

J’arrive au col suivant, sans nom, Pt2701. Un vent assez fort nous accueille. Cela me redonne de l’énergie. Surtout qwue devant se dresse un mur pour rejoindre l’Arête de la Mortine. C’est le passage le plus raide de la randonnée. Les conversions s’enchainent, comme je les aime, avec un angle bien aigu. Je voyais derrière moi, une troupe dont un homme galérait dans ces conversions. Cela me rappelle que je suis passé par là aussi. C’est en forgeant qu’on devient forgeront et le métier a fini par infuser. J’aime, désormais, énormément ces conversions. Une grosse installation météorologique trône au bout de l’Arête de la Mortine, c’est là qu’il faut rejoindre cette crête. Une dernière conversion et nous voilà sur la crête.

Buet ou Mont Buet

Il reste à suivre la large crête, le sommet du Buet est marqué par un grand cairn. Pas de croix. Attention le sommet est réputé pour ses corniches, non visibles depuis le haut. Cette année 2016, il parait qu’elle est bien grande. La vue est superbe, c’est du tout grand et du 360°. Le Mont-Blanc trône au milieu des autres sommets enneigés. Magnifique. Par contre c’est bien venteux et je m’abrite et me colle contre le cairn. il fait assez chaud, +4°c, mais le vent vous fait perdre vos calories. Une bonne pause et je descends par le chemin de la montée.

Abri Pictet

Lors de ma randonnée d’été au Buet, nous étions passé devant l’Abri Pictet, je l’avais pris en photo, mais point rentré dedans. Grave lacune qui commence à engendrer des troubles psychiatriques dans ma petite tête. Je me devais de laver cet affront. L’abri est au niveau de la station météorologique. Mais où est-il ? Je cherche, tourne, scrute, mais rien. Oh rage, oh désespoir ! Plus en regardant mes photos d’été, il doit être bien pris par la neige ! je descends de dépit, filant dans la jolie combe SO sous la station. Belle neige, quel plaisir. Skier avec le Mont-Blanc devant soi !

Refuge de la Pierre à Bérard, bis

Je rejoins le col de Salenton et fait une belle rencontre, Guy de Cruseilles. Nous babillons comme des filles et refaisons le monde. Ou défaisons, je ne sais pas ! Je lui pose la question de savoir où se trouve le Refuge de la Pierre à Bérard. Selon mon GPs, je suis passé devant … sans rien voir. Normalement un refuge saute aux yeux. Nous arrivons devant les blocs et cherchons, mais rien. Je reste perplexe. A force de chercher, je remarque sur le sommet d’un bloc un tuyau en plastique. Ca sent bon ça. Je creuse au sol et vois un bout de le chéneau (gouttière). Trouvé ! Le refuge est pris par la neige et il est sous mes skis. Ah quel bonheur, deux échecs dans la journée aurait été trop injuste !

Grotte à Farinet

Je file et quitte Guy. La suite est en pente douce et il faut parfois pousser ou monter au mieux. Je descends rive droite, et rejoins le secteur où il faut déchausser. Je rejoins la buvette de la cascade à Bérard. Ce sera la fin du ski, le reste à pied. Je fais donc un arrêt à cette buvette, fermée en hiver. Plusieurs panneaux indiquent que l’accès à la Grotte à Farinet est interdit depuis mai 2008, suite à des éboulements. J’ai attendu que la famille parte et j’ai …, enfin je suis passé. Je tiens à préciser que je suis majeur et vacciné et que j’assume mes actes. Donc le chemin n’est plus entretenu. Un premier laminoir avec de la neige un peu gelée, c’est la partie la plus délicate car glissante. Un vieux câble aide. Puis un escalier remonte vers la grotte. C’est le passage exposé aux effondrements rocheux. Je rentre dans la grotte, sors ma frontale. Un peu de glace. Un puit de lumière éclaire l’intérieur. Superbe. Je prends le temps de faire des photos. Le fond de la grotte était gelée. Je reviens sur mes pas, content de ma découverte. Je le répète, l’accès n’est plus sécurisé.

Farinet

Je copie-colle le texte des panneaux Joseph Farinet est né en 1845 dans le Val d’Aoste (Italie). Pour échapper à une vie de misère, lui le forgeron de métier, choisit de fabriquer de la fausse monnaie et de la distribuer aux plus démunis. En 1873 poursuivis par les gendarmes suisses, il trouva refuge à Vallorcine, dans une grotte située sous la cascade de Bérard. Après une cavale entre la France, la Suisse et l’Italie, il disparait le 17 avril 1880 dans des conditions mystérieuses, il était âgé de 35 ans. 150 ans plus tard il sera réhabilité, il repose dans une tombe près de l’église de Saillon (Suisse), L’abbé Pierre viendra lui-même planter une croix. J’ai eu l’occasion d’aller visiter Saillon, sa passerelle à Farinet et les trois ceps de la vigne qui lui sont dédies, en septembre 2009.

Chute de la cascade à Bérard

Une nouvelle passerelle a été installée afin d’admirer la cascade. Encore un panneau de la mairie (l’administration française aime écrire !) interdisant l’accès en hiver. Comme j’avais vu que la neige avait bien fondu, je m’y engage. Un zeste de neige et surtout compliqué d’y descendre avec les grosses chaussures et les skis qui touchent les marches. Je vois la cascade, sympa, mais l’angle de vue est étroit.

La Poya

Je poursuis et descends à pied. J’arrive au hameau de la Poya où je croise une maman avec son garçon. Ils habitent là, à l’année, c’est leur choix. Chamonix est accessible en 20 min en train ou voiture et une superette existe à Vallorcine (mazette leur saucisson et fromage de chèvre m’ont enchanté). Il me reste à rejoindre le parking du Buet, non sans profiter des fleurs. Un dernier babillage sur le parking et je rentre en me disant qu’il ne fallait pas rater cette journée. Pas belle la vie ?