Suisse | Fribourg

Lors de ma visite à la réserve de Fanel, je découvre l’existence du Mont Vully et de son passé lacustre. Une recherche sur le net et je trouve ce PDF qui me servira de guide pour ma balade, l’impression est donc conseillée. On vient de changer d’heure, il a neigé pendant le weekend jusqu’à 700m et le soleil est annoncée pour la journée, situation idéale pour cette balade. Comme il fait froid, je prends le train, plutôt que mon scooter, jusqu’à Seugiez Gare (train TPF depuis Neuchâtel).
Je traverse la ville de Seugiez pour me trouver ensuite dans les vignes et le Sentier Viticole du Mont Vully. Les couleurs sont superbes, jaune doré pour les vignobles de blanc et rouge, que dis-je bordeau, pour les vignobles rouges. Les vendanges sont finies et j’en profite pour glaner quelques grappes (peu sucrées dans l’ensemble). Une montée à travers la forêt me permet d’arriver à la première curiosité de la journée, la Tour des Sarrasins.

Tour des Sarrasins

Sarrasins, orientaux, désigne au Moyen Age les peuples non chrétiens de l’Espagne, de l’Afrique et de l’Orient. Et pour ceux en manque de culture, on peut se rappeler que Les Visiteurs traitent un noir de sarrasin (voir cet extrait vidéo).
On ne connait aucun document écrit datant du Moyen Age faisant mention de cette tour, C’est une ruine d’une tour du 12e ou 13e siècle. Elle fut mentionnée sur le plan de dime de 1772 sous la dénomination Vielle Tour. Ses abords sont cités comme Place Commune appelée la Tour Sarrazine et le pré attenant au N, actuellement boisé comme Champ de la Tour Sarrazine.
Je redescends vers les vignes via Sur les Planches, dans la partie pentue, mini falaises de molasse (roche sédimentaire et au Mont Vully, très friable, cela donne du sable), je perds le chemin. Il semble que je ne sois pas le seul car j’ai suivi une sente raide. Je retrouve les vignes pour remonter à Sur les Monts (où se trouve l’hôtel du Mont Vully). J’arrive ainsi aux Grottes de la Lamberta.

Grottes de la Lamberta

Elles sont aussi appelées grottes des Roches Grises. Ce sont des grottes creusées dans la molasse, sans l’aide de dynamite, pendant la Première Guerre Mondiale, entre 1916 et 1917. C’est donc l’armée qui a creusé pour y mettre ses pièces d’artillerie. Cela permettait de protéger le Lac de Morat. 200m de galérie qui ont abrité 110 hommes et 8 mitrailleuses. Cela n’a servi à rien, vu que la Suisse ne fut pas envahie, mais c’est actuellement un magnifique terrain de jeu pour les familles.
Le secteur est ombragé, pas mal de pins (le secteur n’était pas boisé pendant la Première Guerre Mondiale), places de picnic et surtout on s’amuse énormément dans ce dédale. J’ai pu visiter les galeries sans la frontale, parfois en avançant à tatons, mais je suis revenu pour faire mes photos pause lente avec la frontale, c’est quand même mieux. Ce fut le secteur préféré de ma randonnée et j’y suis resté un bon moment.
Je poursuis la montée à travers la forêt et arrive à l’hôtel restaurant du Mont de Vully, fermé en cette saison. Depuis là, joli panorama sur les Alpes.

Sur le Mont

Un peu plus haut, après le restaurant, on rejoint les tranchées et abris de Sur le Mont (ouvrage d’infanterie) pour une garnison de 43 hommes armés de fusil. Cette partie n’était pas boisée lors de la guerre.

Chutz

En poursuivant par la forêt puis en coupant une route, on arrive à la position d’un feu d’alarme (chutz). Un panneau explique, mais je n’ai pas vu de reconstitution.
Ce procédé permettait d’alarmer en cas de danger. Un système bernois de feux d’alarme est mentionnée pour la première fois en 1448. Cependant, ce n’est qu’au début du 17e siècle qu’on peut parler de développement planifié de ce système de signaux dans les états de Berne et Fribourg.
La guerre de 30 ans (1618-1648) en Europe et les tensions religieuses au sein de la Confédération helvétique qui pouvaient dégénérer en conflit armé, exigeait l’alarme rapide des troupes. C’est ainsi que le feu d’alarme sur le Mont Vully jouait un rôle important dans le dispositif d’alarme bernois pour garantir la liaison vers le pays de Vaud.
Le dispositif des feux d’alarme de l’ancienne république de Berne comptait 156 emplacements, celle de Fribourg 33. En 3h, le signal déclenché à Berne atteignait par exemple : le rhin, les portes de la ville de Genève, le Jura et Aigle.
La dernière mise à l’épreuve de ce système a eu lieu dans la nuit du 1er au 2 mars 1798, lors de l’entrée des troupes françaises dans l’ancienne Confédération helvétique.
L’électricité a remplacé cela, par le télégraphe, téléphone, radio, sirènes et téléphone mobile.

Réduit du Vully

Je sors de la forêt, longe la route, la vue s’ouvre sur les Alpes et le Jura (surtout le Chasseral). Les Alpes sortent enfin des nuages et c’est tout simplement joli. Je poursuis et arrive sur la plus grosse section historique, le Réduit de Vully. C’est une position d’arme, de tranchées, de casemates (abri pour armes, cantonnement, poste de commandement, centrale de téléphone, installation sanitaire ou dépôt) et caponières (position d’armes fortifiée, pour un tir de flanc le long des tranchées, murs ou positions). La mission du Réduit de Vully est de tenir le point culminant de Vully-Ouest, soutenir les points d’appui voisin, recueillir les troupes qui se replient et d’appuyer les contre-attaques.
Pendant la Première Guerre Mondiale, la suisse neutre, devait empêcher tout belligérant de passer par son territoire pour attaquer l’autre partie. Une percée allemande à travers le Jura devait être stoppée par des actions offensives à partir de la tête de pont du Hauenstein, située au nord de l’Aar, près d’Olten.
Une possible attaque française par le Jura ou par le Plateau devait être combattue par des actions offensives dans le Jura et stoppée à la hauteur de la Fortification Morat (ligne canal de la Thielle, Vully, Morat, Salvenach, Laupen) entre le Jura et la Sarine. Les troupes stationnées aux Rangiers devaient empêcher des violations de la frontière en Ajoie.
Il y a biens des bâtiments à visiter dont beaucoup se ressemblent, il faut donc un peu de temps ici. Attention certaines planches sont glissantes. Ce secteur n’était pas boisé pendant la guerre.

Fin des Fourches

Je poursuis à travers la forêt, pour filer vers le lieu dit Fin des Fourches. Je cherche un peu, les panneaux sont rares et je finis par trouver une fortification (c’est tout ce que j’ai vu), casemates pour équipage. La garnison pouvait accueillir environ 300 hommes. Ce secteur était lui aussi non boisé pendant la guerre.

Le Tonkin

Je poursuis et sors de la forêt, profitant du soleil et de la vue sur le Jura, direction Le Suchet lac de Neuchâtel. On descend sur une route, bifurquons à une grosse ferme (Pt494) pour longer la forêt des Fives. Je cherche Le Tonkin, mais il n’y a plus de panneau, j’y rentre dedans et commence à fouiller, rien. A force de fouiner, je finis par tomber sur les vestiges du Tonkin, une pancarte indique que suite à du vandalisme le secteur est abandonné ! Donc le plus simple est d’aller à l’intersection du Pt442 et de remonter le pâturage direction SSO et de rentrer dans la forêt. Les piquets verts de l’ancien panneau touristique sont bien visibles. Le secteur est donc abandonné à la végétation.
Le Tonkin était une position pour canons avec ses casemates. Il y a deux bâtiments à visiter.

Vully le Haut

Je reviens sur mes pas, longe un pâturage et rentre à nouveau dans la forêt. Le sentier monte fort, contourne une prise d’eau, se fait un zeste escarpé. Puis sur la droite, un premier abri, suivi d’un réseau de tranchées. Le secteur est abandonné et les arbres tombés jonchent le sol. J’ai pu suivre un bout la tranchée, mais la suite relève de la forêt jungle. Je reviens et découvre les casemates. Vully le Haut abritait environ 220 hommes (infanterie)

Pierre Agassiz

Je poursuis, sors de la forêt pour mieux y rentrer plus loin. Un chemin doux en forêt m’amène à côté du bloc erratique Palet Roulant renommé Pierre Agassiz, du nom du scientifique Louis Agassiz (voir l’article Wikipédia), originaire de Môtier. Le bloc de gneiss est issu du massif de la Furka, a voyagé par les glaciers le long de la vallée du Rhône pour arriver au Mont Vully. Cette page donne une bonne explication de la naissance de la glaciologie dont Louis Agassiz est un des artisans.

Champ Ribaud

On continue dans la forêt pour ensuite longer une route. Un détour à droite permet de trouver la position d’artillerie de Champ Ribaud (quatre canons de position 12 cm, niches pour la munition et abris). La garnison comptait 60 hommes. Peu de chose à voir, sinon du béton.

Mur des Helvètes

Retour en arrière pour trouver la reconstruction d’un mur (merci à l’Expo 2002 qui a permis la reconstruction de ce mur !), nommé le Mur des Helvètes. Ce mur a été reconstruit avec des méthodes et matériaux modernes (béton, bois imputrescible, …) et n’est donc pas une reconstitution fidèle.
Cet habitat fortifié, Oppidium Celte, date de l’époque des Celtes, environ -124 (avant JC). C’est la seule trace restante du rempart de 600m de long dont il faisait partie. L’Oppidum a été détruit par un incendie provoqué par les Helvètes à leur départ pour la Gaule en 58 après JC.
Pour de plus amples détails sur la fouille du secteur, les Helvètes, la fortification, voir ce site.

Plan Châtel

Une dernière montée parmi les vaches me permet de rejoindre le grand parking de Plan Châtel. C’était la fin de journée (16h30) et je suis arrivé juste pour la fin du coucher de soleil sur les Alpes, magnifique. J’ai donc eu la tête bien trop occupée par ce spectacle grandiose et j’ai oublié de voir le dernier poste d’observation présent.

Retour

Il me restait à suivre le chemin via Sur le Mont de Nant, profitant des dernières lueurs, pour rejoindre les vignes et ensuite Sugiez et sa gare.