Suisse | Valais

Parfois la vie s’accélère, mais on tient le gouvernail. Ainsi il y a quelques semaines, Evelyne, me demandait si on pouvait faire randonnée commune. Puis ce mardi, nous quittons nos montagnes à vaches pour aller tâter du 4000m, l’Allalinhon en ligne de mire. Certains ont des envies de fraises, d’autres de 4000m. Du coup le mercredi, je file compléter le matériel (corde légère et quincaillerie de circonstance) et le jeudi révision des manipulations de cordes.
Sauf que l’Allalinhorn réveille un vieux souvenir non accompli (Christian quand tu veux !) avec Christian de la voie de l’arête E de l’Allalinhorn, l’Hohlaubgrat depuis Britanniahütte. Dans Plaisir Alpin (Jürg Von känel), il note cette course comme gratifiante, mais la difficulté est un ressaut rocheux de 30m en escalade 3. Sur la voie normale, je me sens de faire le guide, mais pas de conduire Evelyne dans la voie de cette arête E. Pour un guide c’est 255.- CHF pour trois ou 670.- CHF pour deux. Décidément je ne comprends toujours pas les suisse-allemands. On se replie sur la solution de facilité, la voie normale et je guide.
Vendredi soir, nous dormons sur Saas-Fee (évitez de partir depuis la plaine le jour même, un peu d’adaptation à l’altitude sera bénéfique), accueil sympathique. En général je peste contre les hotels suisse-allemands (bernois surtout !), mais il est bon de signaler que les haut-valaisans savent accueillir !
Pour le premier téléphérique, il y a une benne spéciale pour les alpinistes à 7h10 ( c’était le dernier jour à 7h10 de la saison, ensuite 7h40), mais pas pour les skieurs. Au petit matin, nous passons devant la longue queue des skieurs (quel plaisir !) pour monter dans cette benne. Après 45 min, deux téléphériques et un métro, nous arrivons à Mitell Allalin (34.50.- CHF en demi-tarif, plein tarif diminué de 7.- CHF si vous présentez la carte de l’hôtel). Le lever du soleil était superbe, mais impossible de prendre des photos pendant le trajet.
Après 45 min de préparation pour s’équiper, nous partons d’un bon pas. On se calme très vite car à 3500m le souffle se fait court. Pourtant on vient à peine de quitter la montagne à vaches ! Le pas du guide est pris et nous traversons les pistes de skis. Je fus surpris de voir autant de skieurs et aussi autant de francophones (alpinistes inclus) dont pas mal de français.
On s’était renseigné la veille sur l’état de la neige, cela donnait en français fédéral : glace bleue, peu engageant (et m’inquiétant) ! Pourtant c’est une couche de neige de quelques 5-10 cm qui nous accueille après les pistes (Hinter Allalingrat), fort agréable. Les crevasses se passent bien (une fort belle et profonde), étant deux, j’avais prévu 20m de corde entre nous. Evelyne avale ses bonbons de Gly-Coramine pour retrouver du souffle (l’aspirine semblerait un remède plus efficace).
Nous retrouvons le soleil sous le Feejoch et l’arrivée à ce col est un grand moment. La vue s’ouvre sur les 4000m de Zermatt et sur un monde glaciaire grandiose. Après une petite pause, nous repartons pour l’arête O, la pente se redresse (environ 30°) et la neige laisse la place à une trace sur glace pillée, plutôt agréable. La pente zigzag, quelques petites crevasses et nous arrivons sous le sommet, qui en cette fin de saison est en roche. Il faut donc monter dans une pente plus prononcée, un court passage terreux gelé pour rejoindre le plateau sommital.
La croix est à une extrémité de ce plateau, sur un éperon rocheux, mais il a fallu patienter, tel un samedi à la poste, pour faire les photos de la croix et sommet de l’Allalinhorn, 4027.4m. Et encore en contrebas, des caravanes entières d’alpinistes qui montent. Ce sommet facilement accessible (c’est pourquoi nous sommes là) est une vraie autoroute.
Nous profitons de la vue grandiose sur les nombreux 4000m visibles. Un stratus couvre la plaine, tellement beau vu d’en haut. A l’autre extrémité du plateau sommital et nous installons pour une longue pause. C’est comme cela que j’imagine le paradis, instant de béatitude. On aimerait arrêter le temps, ce qu’on fait en partir par les photos, mais on emmagasine un maximum.
En attendant, c’est le défilé sur ce sommet, même des Japonais. En partant nous voyons une cordée qui semble avancer comme un paresseux (l’espèce de singe), je n’avais jamais vu un telle lenteur !
Puis nous repartons, en profitant au maximum de la vue superbe sur le Cervin et cie. L’avantage de guider est de pouvoir s’autoriser des arrêts pour les photos. Seul un rappel que les crevasses, même si elles sont belles à photographier, ne méritent pas de s’y attarder ! Puis, après 1h (hors pause), nous sommes de retour à Mitell Allalin, où nous profitons de la terrasse du restaurant tournant. La brume nous a rattrapé, nous pensions faire un aller-retour à Britanniahütte, annulé donc. Il y a aussi un palais des glaces que nous n’avons pas visité. Nous sommes redescendus à Saas Fee que nous avons visité. Le village (7000 habitants) est charmants et a su garder son charme. Peu de construction en cours, contrairement à Zermatt.
In fine un 4000m très facile, donc très parcouru, mais qui offre un vue gratifiante sur les nombreux 4000m environnants. Reste à le faire par l’arête E !